Très grande lithographie originale à grandes marges sur deux feuilles, 1963.
En
octobre 1958, lors d’une visite chez Gérald et Ynès Cramer à Mies, au
bord du lac Léman, Marc Chagall côtoie durant plusieurs jours le
merveilleux paravent de Bonnard « Promenade des nourrices, frise de
fiacres » présent dans leur demeure. Cette œuvre de la période Nabis le
marque suffisamment pour qu’il envisage de créer son propre paravent. Il
lui faudra environ cinq ans pour le concevoir, prenant en compte toutes
les étapes de sa réalisation jusqu’à la boîte qui le contiendra : « Et
il y avait la boîte, ça glisse, sans difficultés malgré son poids, dans
une boîte qui est extraordinaire ». Après de longs mois de recherches,
deux grandes plaques de zinc accueillent les compositions, qui sont
imprimées en douze couleurs sur deux grandes feuilles dans un atelier
parisien, rue Nollet. Celles-ci seront ensuite découpées et montées sur
les quatre panneaux du paravent. Nous présentons ici deux épreuves
d’imprimeur, aux couleurs exceptionnellement fraîches. La fenêtre avec
la Tour Eiffel, le divan, le couple d’amoureux, le village de Saint-Paul
de Vence, le bouquet, la nature morte, chaque motif constitue un
tableau à lui seul. L’intérieur et l’extérieur se mêlent, en apesanteur,
dans une lumière radieuse et enveloppante. La ligne douce et vibrante,
soulignée de couleurs tendres, témoigne d’un bonheur serein. Celui d’un
grand peintre, qui dans la quiétude de son atelier, poursuit son œuvre
avec la vigueur d’un jeune homme, porté par un enthousiasme chaque jour
renouvelé.
Ce projet si ambitieux n’aurait pu aboutir sans le soutien d’un ami fervent et attentif, l’éditeur Gérald Cramer. De leur collaboration naîtront, entre autres, un des plus beaux livres illustrés du XXème siècle « Poèmes », illustré de 24 somptueux bois gravés en couleurs, mais encore les 308 monotypes, tous éblouissants de spontanéité.