« Une des choses que j'aimerais pouvoir me dire, c'est que ma
sculpture a une force, une intensité, une vie, une vitalité émanant de
l'intérieur, de sorte à donner l'impression que la forme exerce une
poussée de l'intérieur, comme pour éclater ou tenter de rayonner
l'intensité qu'elle porte en elle, au lieu d'être quelque chose qui a
été formé uniquement de l'extérieur et s'est figé ».
« Reclining
Figure », la figure étendue, est un thème central dans l'oeuvre sculpté
de Henry Moore. Des trois positions fondamentales de la figure
humaine : debout, assise, couchée, c'est la position étendue qui inspire
profondément l'artiste, plus de la moitié de ses sculptures lui est
consacrée.« La position étendue est celle qui laisse le plus de liberté, du point de vue de la composition et de l'espace »
dit-il.Chez Henry Moore, la figure est féminine. Dans son œuvre, le
corps masculin n'y fait qu'une intrusion sporadique, pour compléter un
groupe familial ou signifier un guerrier. La figure féminine l'inspire
pour la multiplicité de ses volumes, ses ronds et ses creux (les seins,
les hanches, le ventre, les cuisses...). Mais Henry Moore ne tend pas à
représenter, il recherche la sensation de monumentalité, monumentalité
de la forme dans l'espace, quelle que soit l'échelle de la sculpture.
Monumentalité dans l'énergie vitale qu'elle offre au regard.
La nature n'a jamais cessé d'émerveiller le sculpteur, qui depuis la fin de la deuxième guerre mondiale, a choisi de vivre au milieu des champs à Perry Green dans le Hertfordshire. « La nature toute entière est une inépuisable vitrine de formes et de contours ». Chaque promenade est l'occasion de « cueillir » coquillages, os de bêtes, pierres, galets, branches, racines,... Autant d'éléments qui prennent place sur les étagères, et dialoguent avec ses propres créations. A qui choisit de les observer attentivement, chacun d'eux raconte le mystère de la vie, du temps qui passe, des transformations, d'une éternité en mouvement. Ces éléments, longuement étudiés au creux de ses mains, sont à la source de son oeuvre. Des émotions, des réflexions qu'ils suscitent chez l'artiste naissent les maquettes, ces petites sculptures, au volume à l'échelle de ses mains, il les observe sous tous leurs angles, les confronte à l'espace en les soulevant à la hauteur de ses yeux. Les formes rondes et creuses, les arches, les trous, tout ce vocabulaire spatial appelle les jeux de lumière, mais convoque aussi l'espace comme élément actif à l'oeuvre elle-même. Ses « Reclining Figure » sont une ode à la nature, aux paysages qui s'offrent à son regard, aux courbes des collines que l'érosion adoucit. « Une sculpture doit être comme la nature, comme la nature vivante, non comme une sorte de nature statique ».