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Jorn Asger
Cimaise Asger Jorn - Cobra
Dix cimaises virtuelles pour vous faire (re)découvrir quelques éléments de la planète Jorn, essentiellement à travers le mouvement Cobra (acronyme formé par la contraction de Copenhague, Bruxelles et Amsterdam), mouvement né en novembre 1948 et disparu en octobre 1951. Après un voyage au Danemark et la visite du magnifique Musée Asger Jorn de Silkeborg, nous avons voulu rendre hommage au peintre, à l'héritier d’une longue tradition de création danoise, à l'artiste nomade dont les influences et les pratiques furent à la fois éclectiques et sans concession. Voyageur, engagé politique, écrivain, l'oeuvre de Jorn est prolifique, l'artiste puisant dans les ressources de l’imaginaire et de l’irrationnel, s’inspirant largement de la mythologie scandinave et du folklore populaire.
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On peut considérer, par delà bien d'autres aspects, que Cobra est un mouvement à la conquête de la spontanéité et que Asger Jorn fut de manière naturelle sa figure emblématique. « La pensée créatrice s'allume en rencontrant l'inconnu, l'inattendu, l'accident, le désordre, l'absurdité et l'impossible, » écrira l'artiste. Christian Dotremont, le peintre et poète belge, inventera le nom du mouvement ("Co"penhague, "Br"uxelles, "A"msterdam). Son acte de naissance, après la scission du surréalisme révolutionnaire, est daté du 8 novembre 1948 à Paris, "dans l'effervescence et la ferveur, sur un coin de table au café Notre-Dame" dira Corneille. Réponse aux surréalistes révolutionnaires français et à leur tract « La cause est entendue » (du 1er juillet 1947 - Voir n°2 du panneau n°1), le manifeste « La cause était entendue », rédigé par Dotremont, sera ce jour-là co-signé par Asger Jorn pour le Danemark, par Corneille, Constant et Appel pour la Hollande, par Noiret pour la Belgique.
Cobra a trois composantes principales : le groupe d'avant-garde danois, qui a connu un moment de cohésion grâce à la revue « Helhesten » (Voir n°4 du panneau n°1) - avec Bille, E. Jacobsen, Pedersen, Alfeit, Jorn, Heerup -, le groupe belge, surtout littéraire avant l'adhésion d'Alechinsky, et le « Groupe Expérimental Hollandais », né de la rencontre de Constant avec Corneille et Appel, auxquels se sont joints de jeunes poètes. Ensemble, ils éditent la revue « Reflex » (seulement 2 numéros - Voir n°8 du panneau n°1), préfiguration de Cobra. En février 1949, le Petit Cobra annonce une revue qui comptera dix numéros (Voir panneau n° 2). L’unité de Cobra reposera sur cette revue qui se veut le lien entre les groupes expérimentaux danois, belges et hollandais tout en s’ouvrant à des artistes allemands, tchèques et français qui partagent les mêmes aspirations. Elles sont multiples et, par exemple, Jorn sera lié aux Hollandais avant tout par le partage d'une même expérimentation picturale. D'autres publications seront réalisées (La bibliothèque Cobra - Voir panneau n° 4).
Quels sont les premiers pas dans le parcours de l'artiste danois ? Le
jeune Asger Jorgensen - qui, à partir d’août 1945, signera du nom de
Jorn -, fera parti de l'aventure de l'avant-garde danoise dont la revue
« Linien » (La ligne) fédérera une jeune génération d’artistes qui
comprend Henry Heerup, Egill Jacobsen, Richard Mortensen ou
Carl-Henning Pedersen. La plupart des peintres danois qui devaient
compter au sein de Cobra adhéreront au groupe Host qui s'expose en
1942. Jorn y déploiera une intense activité. Parallèlement à une déjà
riche production picturale, le jeune peintre rédige et publie des
articles (presse politique clandestine et revues). Son combat prend une
extension dont le but sera exprimé dans le numéro initial de la revue «
Helhesten » (Le Cheval d’Enfer - Voir n°4 du panneau n°1) qu’il lance
en 1941, l’imaginaire comme un enjeu social.
La guerre! La main mise
de Paris-capitale des arts, où les surréalistes entendent bien
prolonger l'aventure au-delà de la cassure 1940-1945! Jorn se bat et
tente de créer des liens avec ceux dont il estime que l’engagement va
dans le même sens que le sien (Atlan, Édouard Jaguer, Noël Arnaud,
Constant Nieuwenhuys, etc). Jorn s'efforce de lier les groupes
expérimentaux européens en une même dynamique fédérée autour d’une
revue à vocation internationale. Le CoBrA, tapi dans l'ombre,
s'imposera sous peu!
L’éclatement du Mouvement surréaliste révolutionnaire lors de la
conférence organisée les 5, 6 et 7 novembre 1948 à Paris va précipiter
les choses : rompant avec leurs homologues français, les surréalistes
belges vont se tourner vers leurs amis hollandais et danois. Ainsi, dès
le lendemain (8 novembre 1948) et la réunion au Café Notre-Dame (Voir
n°1 du panneau n°1), une page est tournée. Tout sera bon pour exprimer
un appétit de liberté sans limite au nom duquel ces artistes se
dresseront contre l'abstraction géométrique, la peinture convenable, la
figuration confortable. Tous souhaitent l'avènement d'une société
nouvelle, dans laquelle un art entièrement neuf trouvera enfin sa
place. Rebelles à toute forme d'autorité, aussi bien dans la société
que dans l'art, ils tireront leurs exemples des cultures dites «
primitives », de l'art de l'enfant ou de celui des malades mentaux.
Leur souci premier sera de s'affranchir des contraintes des traditions
établies, et de parvenir à une expression parfaitement spontanée, dans
quelque domaine que ce soit. La spontanéité, l'engagement, la recherche
de la vie, le partage, les couleurs qui s'embrasent, la ligne qui se
libère ! De nombreuses expositions montreront les travaux du groupe,
souvent réalisés à plusieurs mains (Voir panneau n°5). Cobra va
emprunter et ouvrir de nombreux passages qui conduiront ailleurs et
au-delà des trois années d'existence du groupe. Ailleurs et bien
au-delà. "Cobra est une histoire entre la mémoire et l'imagination.
L'esprit de Cobra est une chose qu'on ne peut pas interrompre à l'année
51," écrira bien plus tard Pierre Alechinsky.
Après l'aventure Cobra, Asger Jorn va mener encore bien des combats, marchant de son pas ferme sur bien d'autres chemins, expérimentant encore et toujours, se battant jusqu'à son dernier souffle (il a à peine 59 ans lorsqu'il disparaît), ne renonçant jamais à son engagement initial : l’art reste une expression de la révolution permanente qui doit placer l’homme dans l’étendue de ses désirs et de ses aspirations au cœur de la société future. Sa soif de création en fait un artiste prolixe qui multiplie les supports les plus variés. À la peinture, au dessin, au collage, aux techniques graphiques les plus diverses, il rajoutera avec bonheur la pratique de la céramique expérimentale (période d'Albisola, Italie).
Il devient proche de Bram Van Velde et de Dubuffet. La pensée libertaire de Jorn le fait s'opposer au « Nouveau Bauhaus européen » de Max Bill par la création (en 1957) du « Mouvement international pour un Bauhaus imaginiste » qui va se dissoudre dans une entité plus large baptisée « Internationale situationniste » (Guy Debord) ; celle-ci se consacre à la volonté de fondre l’art dans le quotidien qu’exprimait déjà Cobra. L'artiste en démissionnera en 1961 et se repliera sur son identité nordique.
Usé, malade, Jorn (qui s’éteindra le 1er mai 1973 à Aarhus) va engager ses ultimes forces dans la réalisation à Silkeborg, village qui l'a vu naître, du musée que nous venons de visiter. Il abrite un imposant panorama de son œuvre ainsi qu’une riche collection d’art moderne dont la diversité témoigne de la permanence de l’esprit Cobra au cœur du XXe siècle. Avec respect et admiration pour ce géant de l'art, pour l'homme engagé et déterminé qu'il fut, pour son esprit de fraternité. Bonne visite !