Album de 1952, texte de Jean Paulhan, illustré de dix lithographies originales signées de l'artiste.
En
1949, Jean Paulhan offre à son ami Massimo Campigli un beau texte pour
la revue XXème Siècle. « Campigli la ruche » touche tant le peintre
qu'il envisage d'en faire le support d'un album de dix lithographies. «
La collana », « L'abbraccio », « Donne ai telai », « Donne a Ischia », «
Donne al tavolino », « Gioco con il filo »* . . ., les grands thèmes de
l'artiste y sont réunis, dans un ensemble tout en délicatesse et
harmonie.
La Ruche, bâtie en 1902, Campigli l'a certainement connue. Il
débarque à Paris en 1919 en qualité de correspondant du Corriere della
Sera, et s'installe tout près, rue Daguerre.
La cité d'artistes du passage Dantzig, haut-lieu de la création
artistique de ce tout début de siècle, doit son nom aux ateliers
disposés en alvéoles autour d'un escalier central.
La ruche, c'est aussi l'ensemble des cellules dans lesquelles les
abeilles s'affairent, résolument dédiées à leurs tâches. C'est enfin cet
espace, où le féminin règne, comme dans les tableaux de Massimo
Campigli. Le monde des femmes, dès l'enfance, l'artiste en a fait son
miel, par l'observation de ces créatures laborieuses ou des idoles de
musées visités avec ferveur. Les petites statuettes, à l'abri de
vitrines, veillées par des cerbères imposants, nourrissent ses rêves ;
dans ses songes, il dispose ses élues dans les loges d'un théâtre
imaginaire que le regard embrasse depuis la scène. Mais le petit garçon
puise aussi ses déesses parmi les dames épiées à leurs travaux
d'aiguille, celles de Settignano qui confectionnent des tresses pour les
chapeaux de paille, les femmes corsetées et parées, dignes d'égards
exclusifs, et pour autant, quel que soit leur statut social, toutes
demeurent enfermées dans des codes stricts, dont le mystère le fascine.
Les femmes de Massimo Campigli n'ont rien de l'attitude figée et
inquiétante des femmes de Paul Delvaux. Leur fixité est adorable, hors
du temps. « On dit que mes visages sortent des limbes », dit-il.
Leur allure retenue, leur connivence, leur rigoureuse simplicité nous
procurent un plaisir familier, un réconfort aux confins de la nostalgie.
A y regarder de plus près, c'est toujours un même visage qui hante le
peintre, la quête obsessionnelle d'une réminiscence. « Je ne cherche pas la variété, mais le sujet parfait, le sujet que je puisse peindre à l'infini, comme Morandi ses bouteilles ». (Massimo Campigli, Scrupoli, 1955)
* « Le collier », « L'embrassade », « Femmes aux métiers à
tisser », « Femmes à Ischia », « Femmes au guéridon », « Le jeu avec le
fil »