Bien qu'il fût un des pionniers du Pop Art, bien que l'accueil de ses
premiers happenings annonçât déjà une carrière des plus glorieuses, Jim
Dine s'éloigna très rapidement de la scène new-yorkaise pour tenter de
se libérer de toute doctrine avant-gardiste. Ce mouvement qui prenait
appui sur la culture de masse ne pouvait convenir à son aspiration de
création singulière. Il lui fallait trouver sa voie, son vocabulaire
intérieur.
Après des détours par la poésie, le théâtre, la
scénographie, il entreprit un long et patient chemin de recherches,
puisant son inspiration dans l'introspection et sa vie personnelle : la
figure, les outils de son quotidien, les peignoirs, les cœurs, les
Vénus... constituent son langage, qui au fil des ans nous est devenu
familier. La notoriété se cristallise spontanément autour de ses
variations sur le thème du cœur, icône de notre culture populaire,
symbole de vie, d'amour et d'émotions ; l'image est aujourd'hui
indissociable de son nom.
Le dessin est son amer : « Le dessin
est la base de tout. Dessiner, c'est apprendre un langage clair. Tout ce
que j'ai fait au cours de ces années en est empreint. C'est ce qui m'a
appris à contrôler ma main et ce qui m'a permis de transmettre ce
qu'exprimait mon cœur. Le dessin rend le mensonge impossible. »
Dans son œuvre féconde, l'estampe occupe très vite un espace privilégié. « Je suis né pour faire des estampes. Je crois cela. Je peux penser à l'envers ». Il a oeuvré dans les plus grands ateliers de la planète, à la rencontre des meilleurs graveurs-imprimeurs, avide d'étendre ses connaissances techniques pour, sans cesse, se réinventer dans la plus totale liberté. Toutes les techniques sont abordées - la lithographie, la gravure, le bois gravé, la sérigraphie, la linogravure, le carborundum, - avec une implication passionnée pour chaque étape du processus, du choix des encres, de leur utilisation, à celui du papier. Par sa détestation de « l'image plate », il combine souvent ces techniques, accueille « les accidents » avec gourmandise, se joue d'eux, et nous offre des estampes vibrantes de vie. John Russell, auteur de son premier catalogue raisonné en 1970, ne s'y trompe pas, il les définit de la plus jolie des manières : « des compromis entre l'art et la vie ».
Comme tant d'artistes-graveurs, Jim Dine reconnaît aujourd'hui que ce long travail d'élaboration agit comme un ferment sur son œuvre peint « Prints are the reasons for some of my paintings, lithographs take enough time, more than anything else I do, so they make me think about everything* ».
* « Les estampes sont à l'origine de certains de mes tableaux, les lithographies prennent tant de temps, plus que toute autre chose que je puisse faire, alors elles me donnent le temps de penser, d'élaborer sur tout et rien. »