« J'ai voulu peindre l'ennui, la tristesse, la poussière de l'ennui et le désir de s'en évader... Le côté nostalgique d'une salle d'attente où les gens passent pour partir . . . » (Paul Delvaux).
L'oeuvre de Paul Delvaux est une peinture de la mémoire, d'impressions gravées de son enfance. La femme, les trains, les tramways, les décors de l'Antiquité, les squelettes, les grottes, tous ces éléments constituent sa bibliothèque émotionnelle de songes enfouis. Dans ses compositions, le peintre les convoque sans souci narratif ou logique. « Ce que j'ai peint ne signifie rien » dit-il.
Peut-être . . . Toutefois leur caractère figé nous surprend et nous retient. La présence obsessionnelle de la femme revêt une dimension monumentale. Qu'elle figure parée d'atours d'un autre âge ou dans l'habit de sa simple nudité, elle pose là, souveraine, indifférente aux autres, plongée en elle-même. Parfois, le peintre apparaît en spectateur passif ou un homme chemine vers on ne sait où tel un somnambule. Tous sont les figurants d'une scène mystérieuse, où le temps s'est arrêté. Le décor plante un train ou un tramway, squelette d'acier aussi inhabité qu'une maison vide. La lumière du lampadaire nimbe les corps d'une atmosphère hantée et silencieuse. Ces décors de théâtre à la fixité inquiétante ont inspiré ce très beau poème de Paul Eluard :
Exil
à Paul Delvaux
Parmi les bijoux les palais des campagnes
Pour diminuer le ciel
De grandes femmes immobiles
Les jours résistants de l'été
Pleurer pour voir venir ces femmes
Régner sur la mort rêver sous la terre
Elles ni vides ni stériles
Mais sans hardiesse
Et leurs seins baignant leur miroir
Oeil nu dans la clairière de l'attente
Elles tranquilles et plus belles d'être semblables
Loin de l'odeur destructrice des fleurs
Loin de la forme explosive des fruits
Loin des gestes utiles les timides
Livrées à leur destin ne rien connaître qu'elles-mêmes.