En 1768, Bougainville jette l'encre à Tahiti, et dans son journal de
bord décrit l'île comme un « Jardin d'Eden ». Après en avoir pris
connaissance, Diderot écrit « Le Tahitien touche à l'origine du monde et l'Européen touche à sa vieillesse ».
C'est
dans l'évasion que Paul Gauguin rencontre sa force créatrice ; d'abord
en Bretagne, puis en Polynésie. Il embarque le 1er avril 1891 : « Je
pars pour être tranquille, pour être débarrassé de l'influence de la
civilisation. Je ne veux faire que de l'art très simple ; pour cela
j'ai besoin de me retremper dans la nature vierge, de ne voir que des
sauvages, de vivre leur vie, sans autre préoccupation que de rendre,
comme le ferait un enfant, les conceptions de mon cerveau avec l'aide
seulement des moyens d'art primitif, les seuls bons, les seuls vrais
». En arrivant le 9 juin 1891, c'est la déconvenue : le colonialisme a
balayé la culture tahitienne évoquée par Bougainville dans son journal.
Un colon lui fait cependant lire le livre d'Antoine Moerenhout « Le voyage aux Iles du Grand Océan
» (paru 50 ans plus tôt), dans lequel le peintre s'imprègne des mythes
polynésiens dont il reste si peu de traces à Tahiti. Il y puise
d'ailleurs le vocabulaire tahitien dont il composera les titres de ses
oeuvres. Paul Gauguin s'éloigne de Papeete, pour s'installer 80 km plus
loin, à Mataiea : « Tout m'aveuglait, m'éblouissait dans le paysage
», et prend pour compagne une jeune tahitienne. Durant deux ans, il y
peint environ 80 tableaux, des sujets souvent inspirés du christianisme
dans un cadre polynésien luxuriant. Le manque d'argent, les problèmes
de santé, le besoin de constater l'impact de sa peinture à Paris
décident de son retour en France, où il accoste à Marseille de 30 août
1893.
A Paris, à partir des notes rapportées de Tahiti, il rédige deux splendides manuscrits : « Ancien Culte Mahorie » et « Noa Noa ». Dans ce dernier, il restitue le rêve exotique qui s'est dérobé : « C'est
la Tahiti d'autrefois que j'aimais et je ne pouvais me résigner à
croire qu'elle fut tout à fait anéantie, que cette belle race n'eut
rien nulle part sauvegardé de sa belle splendeur. » Pour ce
texte qu'il espère publier, il réalise à Paris 10 bois gravés qui
évoquent les mythes tahitiens. En 1894, il confie à Louis Roy la charge
d'en imprimer des versions en couleur. « Nave, Nave Fenua » (Terre délicieuse), une image de l'Eden où le lézard invite Eve à la tentation, est l'un d'entre eux.
Durant
ce séjour parisien, il vit une succession d'échecs cuisants.
L'exposition chez Durand-Ruel est un fiasco, les critiques sont
virulentes (malgré le soutien de Mallarmé et Degas), sa situation
financière tourne au drame. En automne 1894, il écrit à Daniel de
Monfreid « J'ai perdu tout courage à force de souffrir. Adieu peinture, si ce n'est comme distraction ; ma maison sera de bois sculpté
», et se résout à repartir en Polynésie. Pour réunir des fonds, il
organise une vente de ses peintures à Drouot, les acheteurs font
défaut, il sera contraint de les racheter lui-même (« Le soir de sa vente, Gauguin pleurait comme un enfant. » Maufra). Fin juin 1895, il repart pour les Tropiques, où il s'éteindra, misérable, en 1908.
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