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Coloration du port de Nice

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Nicolas Uriburu

Coloration du port de Nice

Coup de coeur Mai 2024

« L’oeuvre d’art n'a plus de place hors de la nature ; sa place est dans la nature, » déclare Nicolás Uriburu. Diplômé en architecture, après avoir débuté une carrière de peintre de paysages et de portraits animaliers au début des années 60, le jeune artiste argentin de vingt-cinq ans fait un voyage qui le mène notamment à Paris et à New York. Il y découvre la problématique environnementale et prend conscience de l'ampleur de la pollution qui « va perdre le monde ». Le contraste saisissant entre les merveilleux paysages sud-américains qu'il a arpentés et la rivière séparant Buenos Aires de sa banlieue sud, le frappe à jamais. Charriant des métaux lourds toxiques déversés par les industries chimiques, Le Riachuelo, qui baigne sa ville natale, compte parmi les dix sites les plus pollués du monde.
Il convient de s'engager, de protéger la Nature et d’en dénoncer l’exploitation. L'artiste décide de sortir de la surface plane de ses tableaux et de travailler dans l’espace urbain. Puisqu’il est peintre, Nicolás Uriburu décide de colorer l’eau, littéralement. Il entame des recherches sur le pigment à mettre en œuvre. La substance ne doit être ni polluante ni toxique et il opte pour la fluorescéine, une poudre rouge qui, au contact de l’eau, devient verte et fluorescente. Il réalise sa première « coloration » en 1968, lors de la célèbre Biennale (« Green Venice ») ; suivront, deux années plus tard, la mise en eau de trois autres projets : New York (coloration du East River), Paris (coloration de la Seine) et Buenos Aires (coloration du Rio de la Plata). Peindre la nature, verdir les cours d’eau en milieu urbain dans des sites à grande valeur patrimoniale, sans autorisation, ses quatre interventions alertent les pouvoirs publics ; ses performances sont suivies de l’intervention des forces de l’ordre. Nicolás Uriburu connait interrogatoires et commissariats ! La presse relaye les événements et lui assure une visibilité locale et internationale. La cause de l'artiste prend de l'ampleur. Nicolás Uriburu souhaite maintenant diffuser ses convictions écologiques et, en 1973, les théorise dans un Portfolio-Manifeste : « Je dénonce avec mon art l’antagonisme entre la nature et la civilisation. (...) Les pays plus évolués sont en train de détruire l’eau, la terre, l’air ». 

L’artiste, dès 1971, dénonce également le déboisement des villes et la déforestation. Il publie une lettre ouverte dans le quotidien La Nación, pour protester contre l’abattage des jacarandas de la place du Chili à Buenos Aires, mettant en valeur les avantages liés à la présence d’arbres en milieu urbain, en terme d’esthétique, de connexion des citadins avec le rythme de la nature, d’hygiène publique et de fraicheur. « J'exige qu’on cesse cet assassinat d'arbres. (...) C'est un manque total de culture de les réduire à du ciment ». Un véritable mouvement d’opinion se constitue. Le geste artistique d'Uriburu trouve à nouveau un prolongement dans la vie publique, et inaugure, en parallèle aux colorations, une autre série d’actions: les plantations d’arbres, notamment en milieu urbain.  
Après des dizaines d’actions colorantes menées à travers le monde à la fin des années 1990, Uriburu se sent isolé. Il va désormais collaborer avec l’association Greenpeace ; cette collaboration, fait unique dans l’histoire de l’art, illustre bien la porosité entre geste artistique et action militante.
« L'eau verte, c'est le supplément d'âme que donne la nature à son élément nourricier. Il s'agit donc d'un acte d'amour, au niveau élémentaire, sur lequel se fonde à la fois la sensibilité du regard que l'artiste argentin jette sur le monde et sa propre réflexion sur ce regard, » écrit Pierre Restany en 1974.


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