Par sa peinture, Marie Raymond fut toujours en quête de clarté : « La nuit n’est pas la nuit, car il y aura l’aurore, l’espoir, »
écrit-elle en 1976. L’artiste crée ainsi une œuvre fondamentalement
intime et solaire. Sa palette se compose de couleurs chaudes et
lumineuses. Marie Raymond découvre sa vocation en visitant l’atelier
d’Alexandre Stoppler, peintre installé à Cagnes-sur-Mer qui la forme ;
ses souvenirs d’effluves, de couleurs et de lumières du sud de la France
sont déterminants dans toute sa création. Elle écrit : « De ma
petite enfance, ce sont les jeux dans les montagnes de roses coupées que
mon grand-père achetait dans tout le pays qui restent dans mon
souvenir. »
C'est aussi dans ce sud qu'elle rencontre le peintre
Fred Klein qu’elle épouse en 1926 alors qu'elle a tout juste dix-huit
ans. De leur union nait Yves dont on sait l'artiste singulier et
considérable qu'il devint ; Marie a très vite le sentiment que son fils
aura un destin hors du commun. Elle dit : « Et l’on peut d’un coup d’aile atteindre le Soleil. »
La
famille Klein partage son temps entre Paris, le désir de vivre dans le
monde de l’art, et le sud. A Montparnasse, le couple mène une vie de
bohème auprès de leurs amis, Jacques Villon, František Kupka et surtout
Piet Mondrian avec lequel Marie Raymond partage son atelier. Mille
rencontres, mille enrichissements, mille apprentissages ! A Nice, Marie
et Fred se rapprochent de Nicolas de Staël. Marie Raymond prend des
cours à l’École des Arts Décoratifs de Nice où elle rencontre le
sculpteur Emile Gilioli. Au début de la guerre, la famille s’installe à
Cagnes-sur-Mer où Marie commence à peindre des Paysages
imaginaires (1941-1944), inspirés par ses promenades dans l’arrière-pays
; c’est à cette période qu’elle rencontre Hans Arp et Alberto Magnelli.
A la fin de la guerre, Marie Raymond sort de sa période
post-surréaliste et choisit définitivement l’abstraction : « Peu à
peu, on s’intériorise, on travaille. Je ressens à nouveau le besoin
d’exprimer, mais quoi ? Le soleil brille encore ! Mais rien de tangible.
Comment recomposer la vie ? C’est ainsi que se fait le premier pas vers
la peinture abstraite. »
Elle se fait une place indéniable sur la scène artistique parisienne.
Jusqu’en 1954, elle ouvre son appartement-atelier tous les lundis,
créant ainsi les « Lundis de Marie Raymond » (on y croise les
galeristes les plus importants, les critiques d'art les plus en vue, les
artistes tels que Pierre Soulages, Raymond Hains, François Dufrêne,
Jacques Villeglé, César, Eugène Ionesco, Jean Tinguely, Hans Hartung et
tant d'autres). De l'immédiat après-guerre jusqu'aux années 70, Marie
Raymond, artiste prolixe et inventive, participe à tous les grands
Salons de son temps (Surindépendants, Salon des Réalités
Nouvelles, Salon de Mai), à la Biennale de São Paulo, aux expositions
des artistes de l’École de Paris. En 1957, le Stedelijk Museum à
Amsterdam lui organise une rétrospective d’envergure. Son abstraction
est alors particulièrement lyrique et lumineuse.
Viennent ensuite
pour elle des années difficiles. Le couple Klein se sépare en 1958 et
divorce en 1961. L’année suivante, son fils Yves meurt d’une crise
cardiaque à l’âge de 34 ans seulement. Son père décède en 1963. Ainsi,
en l’espace de trois ans seulement, Marie Raymond n’est plus ni épouse,
ni mère, ni fille. Sa vie de femme et sa peinture s’en trouveront
définitivement changées. Elle retrouvera l’inspiration dans sa passion
pour l’ésotérisme et le cosmos. A partir de 1964, elle peint une série
d’œuvres qu’elle appelle Abstraction-Figures-Astres. De nombreuses
expositions suivront. Par trois fois, Marie Raymond présentera des
œuvres au Centre Pompidou (1977, 1981 et 1988, un an avant sa
disparition).
« Je sentais cette vie éparse qu’il fallait ramasser
en un tout, exprimer les états intérieurs qui contenaient pour moi les
apports des impressionnistes : la lumière du midi - l’Espoir. Pour moi
c’était cela, et un élan qui me poussait à l’exprimer. Tous ces accords
épars, il fallait les amener à la lumière. »